Gentils coquelicots mesdames
omment ne pas penser, avec notre belle affiche, à cette comptine populaire enfantine, Gentils coquelicots mesdames ? Dans « Le silence des coquelicots », Michel Chandeigne traduit pour nous cette chanson moins légère qu’elle n’y paraît : « Ce bel air évoque la transformation de la jeune fille en jeune femme après ses premières règles. Le coquelicot est l’image des lèvres du sexe rougies par le sang menstruel. » [1] Après l’éclosion de l’amour avec le rossignol qui chante, les choses se corsent. « À peine [la jeune fille] s’empare-t-elle de trois brins, que l’urgence est de la prévenir du danger : les hommes, prédateurs dont il faut absolument se défier. La sentence est sans appel, ils “ne valent rien”, les garçons “encore moins” »[2]. Nous voilà donc au cœur de notre thème : l’affaire sexuelle. Si le traitement qui lui est réservé dans la chanson est largement désuet, il nous rappelle que chaque époque tente de répondre à la jouissance du corps qui, toujours, fait désordre. Elle est l’occasion de souligner que dire « les hommes » aussi bien que « les femmes », comme ensembles, élude le réel de l’affaire, soit comment chacun se débrouille de son propre coquelicot, unique, ce qui ne coïncide jamais tout à fait avec soi-même.
L’illustration que nous propose Philippe Carpentier avec Ophelia, le tableau de John Everett Millais, nous rappelle par ailleurs la signification mortelle du coquelicot, indice d’une jouissance en jeu. D’ailleurs, est-elle vraiment morte Ophéli ? Millais ne laisse-t-il pas le doute planer avec cette pose extatique ?
Sarah Camous-Marquis
[1] Chandeigne M., « Le silence des coquelicots », in Sigila, n°29, 2012. En ligne : https://www.cairn.info/revue-sigila-2012-1-page-81.htm
[2] Ibid.
