Les Femminielli

F

emminielli, c’est ainsi que l’on nomme ces hommes travestis présents dans les rues de Naples depuis le XVIe siècle. À l’origine réfugiés d’une Espagne qui combattait les homosexuels, les femminielli, « efféminé » en napolitain, ont une véritable fonction symbolique et un statut social. Convié aux mariages, aux baptêmes et à d’autres rituels, censé porter bonheur, le femminiello est supposé receler un savoir particulier, quelque chose en plus, en lien avec cette ambiguïté sexuelle qui l’apparente à l’Hermaphrodite ou à Tirésias.

Lié à la prostitution, associé aux danses et aux chants traditionnels, on peut dire que le femminiello fait circuler le désir, dans une société traditionnelle patriarcale et machiste. Loin des revendications identitaires trans actuelles, il a occupé une place à part, tel le principe féminin irréductible, non soluble dans le mariage ou la maternité. Là où fait défaut le signifiant qui dirait ce qu’est un homme ou une femme, le femminiello est comme une invention spécifique, nécessaire, qui met à l’honneur les atours d’une femme, parure, fards et bijoux, usant des semblants pour jouer sa partie d’être sexué. Véritable création signifiante, le femminiello vient rappeler qu’une femme est toujours singulière, qu’elle résiste à rentrer dans les normes et n’existe que par-delà les catégories.