
Le désir d’être une femme
e thème mis à l’étude par le prochain Forum Campus psy peut être l’occasion de parcourir la littérature psychanalytique avec un regard nouveau.
Prenons par exemple le cas de cet étudiant de vingt-deux ans qui vint rencontrer Karl Abraham pour lui parler de son désir longtemps tu d’être une femme[1]. Dès le début de la cure, il remit à l’analyste une autobiographie dans laquelle il retraçait l’histoire de sa passion pour les chaussures féminines et les corsets. « J’ai éprouvé le désir d’être une femme, écrit-il, pour être bien lacé dans un corset, porter des souliers à hauts talons et demeurer sans être remarqué, devant des magasins de corsets »[2]. La pression pénible exercée par ces vêtements lui procurait « une joie intime »[3].
K. Abraham appréhende le trait fétichiste de son patient comme une fixation à un plaisir préliminaire au but sexuel[4] (coït hétérosexuel), soit un arrêt au regard d’un développement de la libido identique pour tous. Par conséquent, il s’agissait de supprimer le fétichisme[5] afin que la libido progresse vers une sexualité génitale normale.
Quel fût l’effet de cette cure ? Si Abraham indique que l’attraction pour les souliers féminins s’atténua, il suggère néanmoins que le patient interrompît le travail[6]. Le jeune homme a-t-il fui face au désir de normalisation de son analyste, laissant ses chaussures derrière lui, mais conservant le corset qui avait possiblement pour fonction de lui faire un corps vivant… fût-ce un corps différent de son sexe anatomique ?
[1] Cf. Abraham K., « Psychanalyse d’un cas de fétichisme du pied et du corset », Œuvres complètes I, 1907-1094, Paris, Éditions Payot, 1965, p. 147-156.
[2] Ibid., p. 148.
[3] Ibid.
[4] Ibid., p. 149.
[5] Ibid., p. 154.
[6] Ibid.